Accusé d’homosexualité, le jeune camerounais a été forcé de partir de son pays natal, dans l’unique but de préserver sa vie.
Mfegue Mfegue Kévin Ismaël, pour ses préférences sexuelles, a subi les pires atrocités de sa vie. Tout est parti des soupçons de ses fréquentations. A Yaoundé, où le jeune homme menait ses activités depuis des lustres, il va être battu, violenté, victime d’agressions multiples et hospitalisé. Comme tous ceux qui sont homosexuels au Cameroun, Kévin a vécu un véritable calvaire, la peur au ventre. Le point culminant aura été atteint, ce 15 juin 2022.
Parti de chez lui, au quartier Mimboman, où il vivait presque en cachette, pour se rendre au « carrefour de la joie », déguster en partage une bière, en ce lieu connu pour des rencontres des personnes transgenres, à Yaoundé. Il ne s’attendait pas à ce qui lui sera réservé comme sévices ce jour. Pour des raisons non déclarées, il va subir, ainsi que ses deux « amies », un lynchage à nul autre pareille d’un groupe d’activistes qui traquent la communauté LGBT au Cameroun. Il aura la vie sauve, que grâce à une patrouille des ESIR, de passage à l’endroit. Ils seront conduits dans un centre de santé non loin de Nkolndongo où il passera cinq jours d’hospitalisation. C’est avec la peur au ventre qu’il acceptera de quitter l’hôpital pour son domicile. Il savait déjà qu’il sera traqué et traduit en justice. Car, au Cameroun, il suffit d’une simple dénonciation (jugeant la démarche, le ton de la voix, etc.) pour que le tribunal engage des poursuites contre un soupçonné homosexuel. Ce qui fait dire à Me Alice Nkom, avocate fervente défenseure de la communauté LGBT, qu’« être homosexuel, c’est vivre dans la terreur et la violence permanente au Cameroun ».
Le Cameroun n’a pas encore intégré, dans ses mœurs, la dépénalisation des personnes transgenres. Il reste l’un des nombreux pays africains qui criminalisent l’homosexualité. L’homosexualité y est un crime depuis 1972. En effet, aux termes de l’article 347-1 du code pénal camerounais, promulgué par la loi no 2016/007 du 12 juillet 2016, « est puni d’un emprisonnement de six (06) mois à cinq (05) ans et d’une amende de vingt mille (20000) à deux cent mille (200000) Francs toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe ». Selon les rapports des mouvements de défense des personnes homosexuelles, en 2021, deux jeunes LGBT de 24 et 27, dont une internaute transgenre, sont condamnés par le tribunal de Douala. L’une de leur avocate, Alice Nkom, fait appel. En 2020, on comptait plus de 160 arrestations et 27 entre février et avril 2021. France 24 note que la communauté LGBT est de plus en plus traquée dans le pays. La plupart de ses membres doivent vivre cachés.
Obligé de fuir
Selon Human Rights Watch, les forces de sécurité camerounaises ne protègent pas les personnes LGBT contre les attaques violentes. Elle a récemment affirmé que « les forces de sécurité camerounaises ont arbitrairement arrêté, battu ou menacé au moins 24 personnes (…) pour des prétendus rapports sexuels consensuels entre personnes de même sexe ou pour non-conformité de genre ». L’ONG – qui considère que « la loi qui criminalise les comportements homosexuels fait courir aux personnes LGBT un risque accru d’être maltraitées, torturées et agressées sans aucune conséquence pour les auteurs » – , a saisi le ministre de la Justice, Laurent Esso, le secrétaire d’État au ministère de la Défense en charge de la gendarmerie nationale, Yves Landry Etoga, et le délégué général à la Sécurité nationale, Martin Mbarga Nguele, par un courrier et affirme n’avoir pour l’heure pas obtenu de réponse. Cette offensive des défenseurs des droits des LGBT est, pour le moins, diversement appréciée. « Les adeptes de la dépénalisation invoquent la déclaration universelle des droits de l’homme et le pacte international sur les droits civiques et politiques. Or, il n’existe aucune disposition formelle dans ces deux textes qui consacre ou dépénalise l’homosexualité », assure l’opposant Cabral Libi’i.
Au Cameroun, la violence et les abus contre ces personnes ont augmenté. Et cela devient la principale cause de « fuite » de certains qui n’arrivent plus à supporter de telles atrocités. Le cas de Mfegue Mfegue Kévin Ismaël en est un. Car, aux dernières nouvelles, il se serait retrouvé hors du pays depuis cette agression.
par Fabrice ASSOUM