Devant les experts réunis dans la capitale du Lesotho, ce 3 décembre, le président de la Commission des droits de l’homme du Cameroun, a détaillé les avancées mais aussi les blocages persistants dans l’exécution d’une décision rendue en 2017 par le Comité africain des droits et du bien-être de l’enfant. Une communication choc, qui remet au premier plan l’affaire TFA, fillette violée à Bamenda, devenue symbole des failles et des résistances du système judiciaire camerounais.
Lorsque James Mouangué Kobila prend la parole à Maseru, le silence s’installe. Le président de la CDHC vient présenter l’état d’avancement d’un dossier qui, plus de dix ans après les faits, continue de mettre à l’épreuve la capacité du Cameroun à appliquer ses engagements régionaux. Sa communication retrace avec précision les efforts entrepris, les obstacles rencontrés et les implications institutionnelles d’une affaire devenue emblématique de la lutte contre l’impunité des violences faites aux enfants.

Au centre de son exposé : l’exécution partielle d’une décision rendue en 2017 par le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant. Pour la CDHC, engagée au sein du Comité interministériel chargé du suivi des recommandations internationales, ce dossier illustre les fragilités persistantes mais aussi les progrès enregistrés dans la mise en œuvre des obligations du pays. M. Mouangué Kobila rappelle la contribution active de son institution : accompagnement des administrations concernées, relances répétées, travail de plaidoyer, et suivi serré des développements judiciaires.
La CDHC note ainsi une avancée majeure : la reprise du dossier et la condamnation en 2022 du violeur présumé, Jephter Mbah, à 12 ans d’emprisonnement. Une décision appelée à être rejugée après appel. Le 19 novembre 2025, la cour a renvoyé l’affaire pour un nouveau procès, preuve, selon le président de la Commission, des lenteurs et de la complexité du parcours judiciaire lorsqu’il s’agit de violences commises sur des mineurs.
Sur le volet des réparations financières ordonnées par le Comité africain — en particulier le paiement de 50 millions de FCFA à la victime — la CDHC reconnaît que l’État n’a pas encore exécuté la mesure. Seule la scolarité de la jeune fille a été prise en charge. Aujourd’hui titulaire du GCE A-Level, elle poursuit ses études, mais demeure en attente de la réparation à laquelle elle a droit. La Commission dit vouloir intensifier son plaidoyer une fois le nouveau procès achevé.
Après ce point sur les avancées institutionnelles, le président de la CDHC a rappelé les faits qui ont conduit à cette bataille judiciaire. En 2012, TFA, alors âgée de 10 ans, est violée à Bamenda par un particulier. La famille dépose plainte, une enquête policière est menée, puis transmise au procureur qui saisit un juge d’instruction. Mais ce dernier rejette les preuves et classe l’affaire, refusant même d’en fournir la décision écrite, empêchant tout recours. Face à cette injustice, deux ONG saisissent le Comité africain qui conclut, en 2017, à plusieurs violations graves de la Charte africaine et ordonne des réparations.
Pour renforcer le suivi des décisions régionales, la CDHC s’est dotée de points focaux thématiques, mobilisés sur les droits de l’enfant, le genre et l’application des recommandations internationales. Ses actions de sensibilisation, notamment lors des journées mondiales dédiées aux droits humains et à la lutte contre les violences ont été saluées par certaines administrations, dont le ministère des Affaires sociales.
Si des progrès notables sont enregistrés, les défis restent lourds : lourdeurs procédurales, stéréotypes persistants, coûts judiciaires élevés, insuffisances légales et instabilité des personnels chargés de la protection des enfants. À Maseru, la CDHC a rappelé que l’affaire TFA n’était pas seulement un dossier judiciaire, mais un test pour l’État de droit et la protection des plus vulnérables au Cameroun.

