Licenciée pour faute grave, l’ex-employée de la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun (CDHC) a obtenu gain de cause en première instance. Une décision que l’instance en charge de la promotion et de la protection des droits humains au Cameroun qualifie de « farfelue » et entend contester vigoureusement en appel.
Le verdict rendu le 28 juillet 2025 par le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Yaoundé statuant en matière sociale fait déjà grand bruit. En déclarant « abusif » le licenciement de dame Judith Espérance Tsémo, ancienne cheffe du service de Traduction et d’Interprétation de la CDHC, le tribunal a ouvert la voie à une polémique judiciaire et institutionnelle. Visiblement outrée par ce qu’elle qualifie de « décision incohérente », la commission a immédiatement annoncé qu’elle fera appel.
Une procédure disciplinaire rigoureuse ignorée par le juge
Les faits remontent au 19 décembre 2023, date à laquelle dame Tsémo a été traduite devant le conseil de discipline de la CDHC pour de multiples manquements graves à ses obligations professionnelles. Parmi les griefs retenus : défaillances et négligences graves, insubordination caractérisée, retards récurrents, absences prolongées et non justifiées. Trois sessions du conseil de discipline ont été organisées les 25 janvier, 13 et 27 février 2024, auxquelles l’intéressée n’a jamais daigné se présenter, en dépit des convocations formelles.
Après délibération, cet organe composé notamment de deux magistrats hors hiérarchie, dont une ancienne conseillère à la Cour suprême et membre émérite de la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a émis un avis favorable au licenciement. Une décision entérinée par le président de la CDHC, le Pr James Mouangue Kobila, le 28 février 2024. Dès lors, la sanction prenait effet sans préavis, sans indemnités, conformément à la gravité des fautes établies.
Pourtant, contre toute attente, le TGI de Yaoundé a décidé de rejeter la légitimité de cette procédure, déclarant le licenciement « abusif » et condamnant la CDHC à verser 5 586 276 FCFA à dame Tsémo. Le jugement mentionne notamment des sanctions « chevauchantes », y intégrant à tort une lettre de rappel à l’ordre signée par un ancien SG de la CNDHL (ancêtre de la CDHC), une mesure sans lien avec la procédure disciplinaire ayant conduit au licenciement.
Le tribunal a également assimilé un simple changement de poste, mesure hiérarchique ordinaire, à une sanction disciplinaire, une lecture jugée juridiquement erronée par les responsables de la CDHC. Pire encore, une indemnité du 13ᵉ mois, jamais pratiquée au sein de l’institution, a été accordée à l’ex-employée, créant un précédent aussi flou qu’infondé.
La CDHC dénonce alors une décision « incompréhensible » et prépare l’appel. L’instance L’institution s’étonne d’ailleurs que le tribunal ait pu contredire un avis émis par un conseil de discipline composé de juristes de très haut niveau, suggérant par cette décision que ces magistrats expérimentés auraient eu tort d’estimer les faits suffisamment graves pour recommander un licenciement.
Pour la CDHC, le juge a ignoré les éléments factuels et disciplinaires du dossier, confondant mesures administratives et sanctions. Preuve du malaise ayant entouré cette décision, le tribunal va accorder une indemnisation dérisoire par rapport aux 60 millions réclamés par l’ex-employée.
Le Pr James Mouangue Kobila a d’ores et déjà instruit les services juridiques de former un appel dans les plus brefs délais, avec la ferme conviction que la vérité du droit sera rétablie. « Le droit sera dit », assure-t-on à la Commission, déterminée à défendre l’intégrité de ses procédures internes et à éviter la banalisation de la discipline dans la gestion des ressources humaines.
Julien Efila

